3 questions à... David OSPITAL

Maître de conférences et enseignant chercheur en Sciences de Gestion à l'IUT de Bayonne (Université de Pau et Pays de l'Adour), David OSPITAL est membre du Laboratoire de recherche en Management (LIREM). Ses domaines de recherche sont les partenariats public/privé (dimension française et international), mais aussi les questions organisationnelles, la gouvernance patagée et les organisations de type coopératif.

Selon vous, comment pourrait-on définir le dialogue territorial ?

De manière générique, le dialogue territorial peut se définir comme un espace ou un temps de coordination entre différents acteurs publics et privés concernés par un enjeu de leur territoire. Derrière cette définition, je retiendrais surtout quelques grands principes sous-jacents. Qui dit dialogue, dit plus d’horizontalité et de partage du pouvoir entre différents acteurs d’un territoire. Ce partage du pouvoir, s’il est bien organisé, développe l’intelligence collective par la complémentarité des acteurs ou parties prenantes. En dialoguant, il s’agit aussi de pouvoir organiser la prise en compte des intérêts de ces divers acteurs. Par ailleurs, le dialogue participe à alimenter l’élaboration d’une compréhension commune des problématiques de chacun.  Enfin, n’oublions pas que le dialogue territorial doit pouvoir se traduire en acte et en décisions légitimes pour les acteurs. C’est ce que j’appelle l’efficience d’un dialogue.

Selon vous, comment rendre le dialogue territorial efficient ?

Pour que le dialogue territorial fonctionne, il ne suffit pas juste d’avoir la volonté de dialoguer, il faut de la méthode. Cette méthode repose d’abord sur une analyse de 2 dimensions sous-jacentes au dialogue : l’étendue et la profondeur du dialogue territorial.

L’étendue du dialogue consiste à réfléchir au nombre et à la diversité des acteurs sollicités. Il faut trouver le juste équilibre entre nombre d’acteurs et diversité. Cet équilibre s’appuie sur la recherche de complémentarités des acteurs. Il faut éviter de tomber dans une recherche quantitative au nom de la représentativité de l’ensemble des diversités, au risque de ne plus pouvoir organiser un dialogue efficient. Se posent aussi les questions des moments et de la fréquence de la participation des acteurs. Finalement, l’étendue du dialogue cherche à répondre à 4 points de questionnement : la légitimité des acteurs sollicités, leur complémentarité, leur nombre, leur disponibilité.

La profondeur pose la question du degré d’influence accordée aux acteurs du territoire dans la décision finale ou leur niveau de participation dans le dialogue. Cela peut aller d’une simple consultation à de la négociation ou même une concertation.

Comment organiser le dialogue territorial?

Si on regarde la loi, elle est exhaustive en la matière. Prenons l’exemple du code de l’environnement : il propose une multitude d’outils de participation et dialogue du public sur des projets de tout ordre, dans le cadre de l’évaluation environnementale de ces dits projets. En amont, il y a la possibilité de débat public, concertation ou conciliation ; en aval il existe l’enquête publique. Cependant, même si ces outils existent, peu de choses sont dites sur la façon dont on procède dans le processus de décision. La vraie question n’est donc pas de savoir s’il existe des outils ou règles de participation ou de dialogue territorial. Il s’agit surtout de voir comment on organise le processus de décision et de dialogue au sein de ces règles. C’est une question de culture de dialogue, à acquérir encore par les décideurs publics.

En quoi le dialogue territorial est aujourd’hui plus que jamais nécessaire ? 

Le dialogue territorial paraît plus que jamais nécessaire pour répondre à 3 enjeux qui touchent les acteurs publics de nos territoires.

Un enjeu sociétal de transition. Les collectivités et leurs territoires ont un besoin et une exigence de répondre aux enjeux de transition environnementale. Parallèlement, pour répondre à ces enjeux, nous constatons une multiplication, un foisonnement d’initiatives associatives et privées sans cohérence d’ensemble sur le territoire donné. Le dialogue territorial peut justement assurer cette cohérence d’ensemble.

Un enjeu politique. On constate aussi en France, un besoin de démocratie avec l’apparition de listes participatives et citoyennes aux précédentes élections municipales, des mouvements citoyens nombreux à la recherche d’un sens collectif, le RIC, le mouvement des gilets jaunes…Parallèlement à cela, nous constatons une défiance du citoyen vis-à-vis de la politique institutionnelle : pour preuve, les taux d’abstention aux dernières élections présidentielles, législatives ou même municipales qui posent un vrai problème de légitimation des décisions publiques. Le dialogue territorial, s’il est bien organisé, peut redonner cette légitimité à la décision publique.

Un enjeu économique. Les marges de manœuvres budgétaires des collectivités sont de plus en plus réduites et l’année 2023 en est une parfaite illustration : perte d’autonomie fiscale, augmentation des factures énergétiques, hausse du point d’indice des fonctionnaires, dotations de l’Etat qui ne compensent pas le taux d’inflation…face à une contrainte budgétaire de plus en plus forte, les collectivités se retrouvent à devoir faire des arbitrages budgétaires peu rationnels parfois, où on compare des masses budgétaires incomparables parfois ( confusion entre le court et long terme, coupes budgétaires d’urgence…). Ici aussi, un dialogue territorial peut permettre une plus grande cohérence de décision.

Pouvez-vous nous présenter une expérience dans le Sud Aquitain qui vous semble particulièrement emblématique ?

Je citerais l’initiative d’Espace Pérenne de Dialogue Territorial (EPDT). C’est un espace de dialogue permanent pour préparer les littoraux aux enjeux de transition écologique. Cette initiative récente, portée par Surfrider Foudation avec le soutien de la région Aquitaine et la Direction interrégionale de la Mer (DIRM) a plusieurs vertus. D’abord, cet espace permet un dialogue entre des acteurs concernés par un territoire identifié (le littoral) distinct des territoires institutionnels comme le département ou la région. Ensuite, cette instance regroupe des acteurs divers tels que des organisations politiques et administratives du territoire, des organisations représentatives des usagers de l’océan, des organisations de protection de l’océan et sa biodiversité, et des acteurs économiques en lien avec l’océan et le littoral. Précisons juste qu’il a été décidé de ne pas inviter d’élus au sein de cet espace afin d’éviter des prises de position politiques dans le dialogue. Par ailleurs, cette instance de dialogue cherche à créer de la confiance et des formes de dialogue dans un contexte hors projet. Et c’est tout l’intérêt de ce type d’espace. La confiance demande un temps d’acculturation et un accompagnement des différents acteurs pour apprendre à dialoguer. L’EPDT n’est donc ni un espace de décision, ni d’exécution. Il permet de structurer le dialogue, partager des connaissances, produire un avis concerté pour mobiliser ensuite ou parties prenantes clés. Ici, ce n’est donc pas le projet qui initie le dialogue de manière contrainte, mais c’est la capacité à dialoguer dans la durée qui va faire émerger des projets et solutions.

par David OSPITAL
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